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ANTIGUA § BARBUDA - "Try Future"




1. Intro 2. Try Future 3. Cave Dweller 4. Zombie Burial 5. Embers 6. Traitor 7. Science Parade 8. The Next World Master Will Carry My Blood


"Try Future", le premier album d'Antigua § Barbuda vient de sortir sur le label The flying Elephant records, et vous auriez tort de passer à côté. En l'espace de huit morceaux, on se précipite dans une mêlée effarante de talent. Pour les fins connaisseurs ce LP est la suite de leur EP "La pirámide invertida" sorti en 2008, et avec ce nouveau né le groupe originaire de Pampelune (Espagne) propose une suite époustouflante à leur premier opus. Leur son est épique, furieux, intense. Il passe du primitif à l'hypnotique et fouille les univers pour en tirer des substrats intenses et complexes. Dans Science Parade, un choeur s'élève des ténèbres, alors écouter les quatre acolytes c'est fusionner avec l'intense et le céleste, mais c'est aussi aborder de sombres rivages, à la fois torturés et frénétiques. Le son de Antigua § Barbuda est haut en couleurs et en timbres de voix, auréolé de sons planants, et de cascades rageuses à la Doppler (Cave Dweller et Traitor). Ce punk rock garage fait recette et offre des démêlées de voix portées à leur zénith par Gérmen, mais aussi Guiller, Asier et Colins sur certains passages. Le risque de se lasser d'une seule et même voix disparait dans le tumulte de leurs élans rageurs et de leurs gros sons, mais comment se lasser de la voix de Gérmen qui monte à des hauteurs vertigineuses alors que les instruments délivrent leurs rapides enchaînés de sons.

Ecouter Antigua § Barbuda, c'est sentir Zombie Burial comme une atmosphère, c'est s'éprendre de la musique dans ce qu'elle comporte de plus aérien et d'inaccessible. Restituer une ambiance, une terreur enfouie, Antigua § Barbuda en fait sa ligne de conduite. On se retrouve dans une marche digne des films d'horreur (toujours avec Zombie Burial) et leur son semble sorti du 7ème Art. A quand la BO d'un film par le groupe?

Ils pèsent leurs influences, ajoutent des allers-retours psychotiques et offrent un terrain de jeu à la transe et l'exutoire. Dans Embers les cris ajoutent à la folie continuelle d'instruments.

Entre groupe des bas-fonds de l'âme et envoutements vocaux, Antigua § Barbuda s'impose comme un groupe de la quête, en recherche constante de différents espaces à conquérir. On semble traverser le doom, passer par des accroches à la Muse, des sons majestueux sortis d'un orgue d'Eglise (Embers), et cela avec l'impression d'aller toujours plus loin dans les profondeurs, de pelleter le sol et les sens, pour atteindre une grotte ou les cieux. Le groupe est ambivalent, des voix aigües avec un arrière-plan de violence faisant office de chorale, des poussées d'énergie à dévorer sans aucune mesure.

L'album est disponible sur le site du label (www.myspace.com/theflyingelephantrecords), et une tournée européenne est prévue pour septembre 2009, ne les ratez pas!

Charlotte Noailles.

NEWS: Il y a 15 ans Kurt Cobain nous quittait (1967 -1994)



Pour cette année 2009 le Rock'N'Tarn a choisi le portrait de Kurt Cobain pour illustrer sa programmation, l'occasion de parler du regretté leader de Nirvana que les médias font revivre à leur façon à coup de reportages et d'articles. Le dessin de l'affiche du tremplin tarnais reprend une photo célèbre du groupe, la même qu'on retrouve sur le coffret collector With The Lights Out, qui est de nouveau dans les bacs depuis le 30 mars pour rendre hommage à l'artiste et son groupe mythique (avec 81 titres et un DVD). Avoir Kurt Cobain en tête d'affiche pour le Rock'N'Tarn, car pour le coup l'expression s'illustre bien, revient ainsi à lui rendre un hommage, et à reconnaître l'influence qu'il a eu dans la musique, et que Nirvana a toujours actuellement. Indémodable, celui qui ne supportait ni la mode ni le succès. Forgive us Kurt, on a pas fini de célébrer ta trombine.

Il y a tout juste une semaine, les médias rappelaient que le 5 avril 1994, Kurt Cobain se suicidait dans sa résidence de Seattle, ville connue comme le lieu de naissance du groupe Nirvana, et plus globalement du grunge. En se tirant une balle dans la tête, Kurt Cobain admettait qu'il ne pouvait plus faire semblant, délivrant à ses fans un message à la fois funèbre et sincère.

Malgré lui, Kurt Cobain était devenu le porte-parole de la génération X avec le morceau Smells like teen spirit, premier titre de "Nevermind", second album du groupe, sorti en 1991.
Que se soit par l'écoute des albums de Nirvana ou par la lecture de son journal, on comprend que le talent de Kurt Cobain provenait d'une source constante d'ambivalences que les médias ont encore tendance à réduire à son état dépressif. La lecture de son Journal permet de suivre le parcours de ce musicien d'anthologie (et pardon si certains considèrent le mot comme exagéré), mais si la détresse qui l'habitait l'a bien conduit à se suicider, on aurait tort de s'en tenir au simple stéréotype du musicien torturé. Son journal contient un tas d'anecdotes de son auteur, des coups de gueule, des lettres, les paroles de quelques morceaux du groupe, ainsi que des prises de position passant par la critique de la branchitude ou autre fadaise de ce genre. Il n'aimait pas l'industrie du disque, il souffrait de dépression, mais au delà de ces idées communément admises, il avait la rage de composer, d'écrire des textes puissants rendant compte de la situation de l'époque et des souffrances d'une génération désabusée, et d'exorciser le mal-être par le biais d'une musique sauvage qui donna le terme grunge.

Vecteur et voix du groupe, Kurt Cobain se pose en enthousiaste déçu. Il y a d'abord les espoirs et l'optimisme des premières années, Je perçois dans notre génération le sentiment universel que tout a déjà été dit et fait. Exacte. Et alors? Ca pourrait être marrant de faire semblant. C'est la première décennie depuis le début des années 40 que deux générations (la vieille école et la nouvelle) aiment la même musique, J'aime rêver qu'un jour la jeunesse de ce monde connaîtra un sentiment de solidarité générationnelle, ou encore Le début des années 90 aura apporté au moins une forme de changement social: le droit pour la jeunesse d'adopter différents styles de musique (et/ou de fringues). Voilà la première génération en mesure d'avoir des affinités avec ses parents. Pourtant, il finira par se jeter dans une spirale infernale mêlant la drogue à la dépression. Trois ans avant son suicide, celui qui écrivait dans la bio du groupe "Safer than heaven, Fuck now, suffer later" ("Plus sûr que le Paradis, Baise maintenant, souffre plus tard") s'est progressivement livré au désespoir, lucide sur la société et certain de l'impuissance de ses textes à changer les choses. A ce moment-là, faire semblant ne l'amuse plus.

En parcourant les pages de son journal, on découvre en parallèle du parcours de Nirvana, ses opinions sur la scène musicale, la politique, l'amour, le punk rock, l'art, le langage, et une foule de réflexions tirées de la vie quotidienne. Devenu culte au fil des albums, Kurt Cobain est toujours célébré, figure maudite d'une musique qui causa son succès et sa perte, chanteur et guitariste d'un groupe élevé en référence, une source d'inspiration à peine voilée de bon nombre de groupes actuels.
Je le cite une nouvelle fois,
La censure est un truc TRES américain, et pourtant Nirvana l'aura détournée, et c'est cette rage qui donna une telle force aux paroles et à la musique du groupe. Autour de moi beaucoup de personnes n'apprécient pas particulièrement Nirvana, mais il n'en représente pas moins un héritage musical reconnu comme ayant changé la musique à jamais.


Kurt Cobain a aussi inspiré l'un des films de Gus Van Sant: "Last Days" avec Michael Pitt dans le rôle titre.


Photo du coffret collector With The Lights Out

Charlotte Noailles.

GENERIC - "Open City"



1. Open City, 2. Pink Lady, 3. Les Folles Avec Les Fous, 4. Le Pont Des Suicidés, 5. Paragraphe, 6. Little Yellow Jacket, 7. You Save me, 8. A-Theme, 9. Comtesse 666, 10. Barbara Slow Motion, 11. Escher, 12. Your Brother Is Dead, 13. Open City (Sub Urban Area)


Generic - Open City

C'est au début de l'année 2005 que Sylvain et Fred, respectivement Loud Sylvain et Furious Fred, fondent Generic, et c'est en 2008 à l'occasion des Eurockéennes de Belfort que je les découvre sur scène et fais connaissance avec leur musique. Je me rappelle de ce duo pour l'intensité qui émane d'eux sur scène, car dès qu'ils se mettent à jouer on plonge aussitôt dans leur jeu de transe, absorbés par leur dialogue furieux et complice mêlant de douces entrées en matière à des parties lourdes et violentes. Sorti en 2007, "Open City" est un premier album qui se veut d'emblée éclectique, ne serait-ce que par les métamorphoses qui se réalisent d'un morceau à l'autre, ainsi que par les atmosphères sombres qu'elles mettent en place. L'album se définit par son obscurité, une caractéristique qui le dessert du même coup, car à la première écoute l'album peut sembler difficile d'accès, pourtant on aurait tort de s'arrêter à la noirceur qui déborde de Generic. Au delà du heavy noise qui semble dévaster la douceur, la basse et la batterie sont soutenues par des visiteurs de passage et constamment renouvelées, car le duo fait émerger le substrat de différents univers qu'il serait difficile de transmettre sans aide extérieure. L'aura de Generic se définit aussi par l'importance de mettre en musique un univers visuel qui nous renvoie à des sentiments et des émotions familières. Generic met en musique ce que le cinéma a mis en image: la peur, les relations humaines, le mystère et les intrigues sombres. D'un morceau à l'autre, le duo basse/batterie se fait notre guide au travers de mutations constantes d'impressions et de ressentis.

Le duo basse/batterie fait débuter son premier album avec le titre éponyme Open City, qui se trouve être davantage une introduction qu'un morceau à part entière. Pré-enregistrée, elle nous permet d'entrer doucement dans l'album avec des notes empruntées à la musique électronique. Pink Lady, le second morceau nous propose ensuite un son radicalement différent, brute et étranger à la douce mise en bouche proposée par Open City. On perçoit alors tout le punch du groupe qui se défonce avec des appuis percutants de Sylvain sur les toms de sa batterie. Ces à-coups se répètent dans le morceau et rythment les hochements de tête qui virent vite en mouvements compulsifs. On entre chez eux sans y faire attention, en se laissant envouté par ce combo singulier. Il y a cette impression de partir sur les rails, comme avec le morceau Little Yellow Jacket où la musique semble d'abord en difficulté, comme enraillée et incapable de fournir un son propre et linéaire. La première impression se confirme vite avec un Loud Sylvain qui porte bien son nom puisqu'il crie d'une voix éraillée, déchirée et irrégulière. Furious Fred l'appuie à la basse avec des lignes de basse étouffées et grinçantes, les doigts se baladant sur les cordes afin de faire gémir l'instrument.

Ces deux là savent jouer sur tous les registres, avec des emprunts à la musique de chambre, douce et enfantine dans Le pont des suicidés, qu'on retrouve aussi avec A-Theme par de doux chocs contre le verre, comme si un enfant s'amusait à faire de la musique en tapant sur les objets alentours. Les multi-effets utilisés dans leur album permet à Generic de proposer davantage que du rock massif. L'absence de guitare et les notes graves utilisés par Furious Fred donne dès l'entrée le sentiment d'une ambiance lourde, que les arrangements permettent d'alléger. La teneur des morceaux tient aussi bien dans le jeu des effets et des voix que dans la musique Live du duo. Avec Les folles avec les fous les instruments ne sont plus seuls à s'allier en un duo rageur et c'est via un duo vocal des deux musiciens que le morceau commence. Dans Comtesse 666 on se trouve cette fois en plein cauchemar, avec une voix féminine qui semble terrorisée par une présence menaçante.On se croirait même devant son poste de télévision les yeux fermés par la peur, les oreilles percevant l'ambiance d'un film angoissant. Le morceau nous plonge dans un univers tout droit sorti d'un film d'horreur, le 666 nous rappelant par ailleurs l'écho au chiffre du diable. A la fin du morceau, Generic continue son exploration avec un nouveau morceau, comme si le duo cherchait à proposer une visite guidée de différents univers. On plonge dans le roman noir avec Comtesse 666, dans le film de Western avec Escher, mais on trouve aussi la participation ponctuelle de la musique classique avec le rajout d'un violon dans le morceau Save me. L'album porte bien son nom car je trouve l'univers de Generic très imagé. "Open City" semble être une ville de la pluralité, une ville où les mondes parallèles se côtoient. Le duo semble tirer une grande inspiration dans l'audiovisuel, une impression qui résulte du choix de superposer des voix off à leur musique. Dans Paragraphe Generic retranscrit musicalement un dialogue entre un homme et une femme qui semblent tirés d'un vieux film en noir et blanc aux plans troubles ou distants de nous (l'enfance nous paraît appartenir à une autre époque)."Open City" est un support d'images, un album photo ou une série de courts-métrages. Generic nous offre un rock lourd et profond, un groupe inhabituel qui vaut la peine qu'on s'y arrête.

Charlotte Noailles.