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Voici le type de déclaration que fera toute personne au réveil d’un concert de Kap Bambino. Ou peut-être juste après avoir perdu une bonne partie de son système cognitif sur leur dernier skeud, le tewwible Blacklist. Eh bien, je vous le dis : pour toutes les heures que j’ai passé à triper comme un demeuré au son de cet album, pour l’extase de l’avoir vécu en live, le moindre des remerciements était de lui consacrer l’éloge qu’il mérite.
Le nom de Kap Bambino vous est plus étranger qu’un prix Nobel de littérature dans les années 50 ? L’évocation de cette voix jeunette qu’est la pile Caroline Martial (a.k.a. Khima France) et les rythmes originaux de l’électronique Orion Bouvier ne vous activent pas les prémices d’une chair de poule libidineuse ?
Hey, au nom de la rédaction de Co’Anthem, je vous souhaite la bienvenue dans ce 21ème siècle !! L’electro y gagne en terrain et au moins dans ce domaine, l’hexagone arrive encore à proposer des noms qui font rêver dans le monde entier. Pourtant, comme souvent ici, le public boudera un artiste un tant soit peu original, aussi prometteur qu’il puisse être, pour de la pop ou de la variété. Ainsi, on regrettera que le groupe soit largement connu de l’internationale electro et si peu à domicile. Cela fait bien huit ans que le duo de Bordeaux s’est lancé dans l’aventure mais ici, on les découvre tout juste grâce à Blacklist, sorti en Mai dernier. Si vous voulez vous mettre à Kap, c’est d’ailleurs un très bon album pour se faire à ce son aussi immersif qu’architecturé.
Pour vous situer le son de Kap Bambino, il faudrait que vous puissiez prendre le meilleur de la vague Moog (vous savez bien, Duchess Says et leur compagnie…), y ajouter des sonorités midi de console 8 bits (Crystal Castles sont récemment devenus célèbres en reprenant la même recette), puis multiplier le tout d’une ambiance trash-punk, et enfin le passer au mixeur avant de vous l’injecter dans l’oreille interne. Ca vous donnerait une petite idée de l’OVNI que nous avons là.
D’ailleurs, le vrai défi pour Kap, ç’aura été de faire péter un son qui, sous des abords de trashouille monumentale à vous faire inviter une trentaine d’étrangers dans votre studio pour y retourner le mobilier Louis XV en y gueulant les quelques paroles encore compréhensibles en pleine montée acide, bah aussi étonnant que ça soit, ce son est avant tout une construction hyper-carrée. Reposez ce fauteuil du XVIIIème, asseyez-vous dedans (c’est prévu pour, vous allez voir) et prêtez un peu attention à la structure des nappes. Au bout de quelques minutes, si vous vous efforcez de ne pas vous laissez reprendre par Blacklist, vous constaterez que oui, ce même son qui vous bifle le cerveau, qui vous punche les zones érogènes, sous des couverts ultra-bourrins, il est agencé comme une Main de dieu. D’ailleurs, si vous faites l’acquisition de cette merveille, cela vous mènera immanquablement à la lâcher dans vos soirées-camisole, aussi je vous conseille, si vous avez un doute sur l’efficacité de votre matos hifi, de le renouveler du caisson de basse aux égaliseurs : la musique de Kap étant sans conteste de celles qu’on s’envoie en rafale de décibels. Après, vous ferez comme bon vous semble mes aimés, mais si l’un de vos convives exige au bout de trois morceaux qu’on augmente encore le volume et que vous êtes déjà à fond, vous subirez cette déconvenue honteuse sans que je puisse vous sortir de la panade.
Bien, après ces propos d’introduction, passons à ce qui nous intéresse : le corps de (Martial) l’album. Blacklist est composé de douze plages qui s’enchaînent presque aussi bien qu’un Cross (j’ai dit « presque aussi bien », car il est flagrant que Justice, des transitions jusqu’au tracklisting, avait fourni un travail monstrueux). Pour Blacklist, on commence par un incipit éponyme au nappage très 8 bits, plié efficacement en deux minutes et fournissant un prélude aussi sympathique que rythmé au reste de l’album. Un tapis rouge sur les marches d’un palais, les prémices du charme où Khima n’apparait que sur dix secondes, n’attendant que ses invités pour vraiment prendre vie. Puis 11:38 se lance, sur une structure en caisse claire proche de Blacklist, il nous fait pénétrer sans ménagement dans l’univers cogneur de Kap. A partir d’ici, il est déjà trop tard pour faire machine arrière, plus de répit : les bordelais prennent hargneusement votre oreille en dessous de la ceinture et ne la lâcheront plus du reste du disque. Le genre de killer-hit dont on ressort sans trop savoir ce qui s’est réellement passé mais avec une envie : y retourner déjà. Comme presque toutes les premières fois, c’est trop rapide pour que vous puissiez comprendre ce qui s’est vraiment passé. J’y suis retourné pour pouvoir vous le décrire, le phénomène. Comme nous l’avons dit : ça commence avec une rythmique simple et boxeuse à la Blacklist, puis en un pont magnifique s’y surimpressionne une nouvelle toile stylée Moog pour qu’enfin Martial commence son ‘pestak’ de sa presqu’enfantine voix. A partir d’ici, vous serez l’esclave de ses modulations et des variations originales d’Orion. L’essentiel de la musique de Kap Bambino, c’est de flirter avec la saturation sans jamais être désagréable à l’oreille, sans jamais l’atteindre. Les premières écoutes peuvent se révéler un peu douloureuses, tellement on en approche. Une telle richesse comme ça d’un coup, c’est sûr, ‘faudra peut-être quelques écoutes supplémentaires pour que les moins habitués s’y accommodent. Nous ne somme pas sur un album d’Archive là. Poursuivons notre épopée. Dead Lazers apparait en troisième position, au même niveau ultra-rythmé que le précédent morceau. Toujours avec les sonorités inédites de Kap. Ici apparaissent la première énorme montée de l’album ainsi que les premiers travaux sur les poussées de Khima. Enchaînement parfait sur Lezard et son « flesh after flesh » que vous vous retrouverez à brailler sans faire attention (de toute évidence, vous n’écouterez pas Kap pour les paroles). Je passe sur Red Sign et sa montée finale, ainsi que sur le presque calme Rezozero (respirez, ça repart sous peu). Arrive Batcaves, que j’affectionne particulièrement, le petit cri de bête surexcitée de notre punk blonde en début de morceau, sa nappe délirante et ses quelques légers ralentissements. Blue Screen est certainement de ce type de sonorité qui fit écrire à mes confrères que Blacklist sonnait plus « nostalgique » que leur premier album (Zero Life, Night Vision, sorti incognito en 2003, pourtant aussi jouissif que celui qui nous occupe aujourd’hui). Pour ma part, le jour n’est pas arrivé où les sonorités de Kap me feront ressentir la moindre mélancolie. Non faites-moi confiance, Blacklist reste définitivement borderline aux « musiques à camés ». Ce n’est pas Human Pills qui me contredira, tant leur numéro dix est chargé, et en toute honnêteté, c’est ça qu’on aime chez nos vedettes bordelaises. Les dernières plages se chevauchant dans la continuité (Plague en deça).
Bref, une telle évidence dans le talent que d’un à coup, on retrouve les prestigieux de Birdy Nam Nam rescratchant du Dead Lazers (vous trouvez ce remix sur Deezer, ça demeure dix pieds en dessous de l’originale, mais dix pieds en dessous c’est encore assez jouissif pour un ou deux orgasmes volés). Alors pitié, ne laissez pas Kap Bambino inconnus en France, et laissez moi rêver d’un monde où je n’entendrais plus jamais un Anglais (très cool au demeurant) me faire découvrir l’une de nos meilleures formations. Et si vous voulez vraiment me faire rêver, laissez-vous aller aux sons que notre couple a produit avant 2009 aussi, partez traquer la magique Naz4, tapez dans le très drôle Daddy, rencontrez Pussy Killer, le révolté-survolté Hunger Texas ou enfin l’un des meilleurs sons de toute l’electro : New Breath. Pour info, c’est ce morceau que Camus mettait toujours dans l’autoradio de ses potes de soirée, vous voyez bien : Blacklist, vous y viendrez, fatalement.