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MY OWN PRIVATE ALASKA - "Amen"

1)Anchorage, 2)After You, 3)Die for me, 4)Broken Army, 5)Where did you sleep last night? 6)I Am an Island, 7)Amen, 8) Kill me Twice, 9)Page of a Dictionary, 10)Just Like You and I, 11)Ode to Silence.

Deezer

Lorsque je découvre My Own Private Alaska en 2008, c’est par l’intermédiaire d’un ami qui me dit détester « le gueuloir infâme qui sert de chant au groupe ». Aimant généralement ce qu’il déteste, et particulièrement le metal (pour le chant saturé entre autres), je m’empresse d’écouter le groupe le soir même, surtout que le concept me parait novateur. Ils ne sont que trois, sans guitare ni basse, juste trois, un chant, une batterie et un piano. J’en avais entendu parler jusqu’alors par connaissances interposées, mais sans jamais prendre le temps de découvrir leur musique. Avant l’écoute, je reste un brin dubitative, serait-ce du post-rock assoupissant qu’un brailleur tenterait de rendre plus dynamique en crachant plus de bave sur son micro que de sons ? Sûrement du post-hardcore, un groupe comme tant d’autres en somme. Que nenni ! L’année d’après je réalisais la chronique de leur EP en chantant les louanges du groupe. Comme le renard au petit Prince, j’entendais cette musique non consensuelle me susurrer, « S'il te plaît... apprivoise-moi !». Elle était pourtant mal partie pour m’émouvoir.

Première impression à l’écoute de leur EP, ça gueule en effet screamo, mais bizarrement je digère tout en maudissant le chant, et pourquoi ça ? Le piano qui accompagne ses deux compères de scène m’envoute complètement. Background personnel… Née dans une famille nourrie de musique classique, le piano est un instrument que je vénère, et j’assiste pour la première fois à un conflit extrême entre les genres. My Own Private Alaska m’apparaît comme un monstre musical déformé par le syndrome de Protée (on connait tous Elephant Man dont l’histoire fut portée à l’écran par David Lynch). Logiquement se forme dans mon esprit cette image repoussante d’une musique contre-nature. A mes yeux, le chant souillait le piano. Point barre. La violence mesurée ne m’intéressait pas, je cherchais la violence sans la trouver entièrement, car réservée, ténue. Habituée à du hardcore franc et massif (Black Bomb A, H-Tray, Time to Burn… il fallait que ça crame), la frustration eut raison de ma patience au bout du deuxième morceau. Cette nouvelle recette était trop épicée à mon goût, elle avait le goût de rassis. La réunion atypique d’une limpidité musicale à celle d’un choc vocal me laissait sur une impression nauséeuse. « C’est quoi ça ? Mais tout fout l’camp ma bonne dame ! ». Eh oui, et que c’est bon avec le recul.

Pour ne pas vous livrer l’intime de la bestiole, je ne décortiquerai pas l’album, pas aujourd'hui. Cette chronique est un historique de ma découverte plutôt qu’une analyse détaillée des pistes et mon avis reste changeant, ma vision du groupe en constante mutation, et je ne veux que vous détailler les composants de la tracklisting pour cette fois. Et donc ? Sur les onze morceaux d’Amen, on en retrouve quatre de l’EP (bonne nouvelle a priori), et pourtant c’est là qu’on se fâche. C’est une grosse déception, car Die for Me, I Am an Island, Page of a Dictionary et Kill me Twice ont été réenregistrés pour la version « album » et ça ne rend pas le même substrat de violence sublime si délectable de l’EP (exception faite pour Die for Me). Quelqu’un qui n’aura pas écouté les six premiers nés n’y verra que du feu, ne pouvant faire la comparaison pour l’instant, mais autour de moi tous regrettent l’humeur plus noire et romantique de l’EP. L’expérimental a pris plus de place sur Amen, le son est plus vaporeux, trop post-rock à mon goût. Même si My Own Private Alaska continue de m’impressionner (dans les nouvelles compositions Anchorage et Amen), dans l'ensemble l'album ne m’accroche pas autant que l’EP. Moins de haine cathartique, moins de cette rage impérieuse et tenace qui m’avait envouté tel un poème de Baudelaire. Question de nuance, légère peut-être, mais visible pour moi. J’attendais trop de l’album, et il ne s’est pas révélé à la hauteur de mes attentes même si à chaque nouvelle écoute d’Amen j’entends les morceaux me demander de copiner. Alors le renard triomphera, triomphera pas ? J'attendrai de les voir une troisième fois en concert pour faire un bilan de santé.

"Le lyrisme de la souffrance est un chant du sang, de la chair et des nerfs", Cioran dans Sur les cimes du désespoir.

Charlotte Noailles.

2 comments:

The Aurelio Blog a dit…

personnellement, j'aime énormément l'EP et l'album...

coconut a dit…

Je sais bien que tu l'adores "Amen", y'a qu'à lire ta chronique pour le comprendre (très agréable à lire d'ailleurs).

Pour revenir sur les deux sorties du groupe, j'aime énormément l'EP, ça je le clame haut et fort, et en ce qui concerne l'album je lui trouve quelques défauts, mais quel album n'a en a pas? J'avais aimé l'EP de manière absolue (c'était naïf de ma part d'espérer le même effet sur toute la longueur d'un album de 11 pistes). Je suis éblouie par la beauté d'Anchorage et Amen. Tu vois, tout n'est pas perdu pour moi ;)